Voici mon témoignage concernant la grande aventure que j’ai vécu avec ma fille Anaëlle.

Avant sa naissance, j’avais entendu son père vanter les mérites de l’allaitement. Par contre, de mon côté, les témoignages n’étaient que manque de lait et expériences désastreuses. Personnellement je n’étais pas super à l’aise quand une amie sortait son sein pour faire téter un bébé, mais mon expérience s’arrêtait là, car j’avais vu très peu de femmes allaiter. Pour faire plaisir à mon compagnon, j’ai décidé d' »essayer » l’allaitement avec notre fille, et je me suis lancée sans a priori positif ou négatif, et surtout, sans objectif et sans pression…(du moins au départ).

Les débuts ont été douloureux, épuisants, mais beaux. J’adorais ces moments d’intimité, les yeux dans les yeux, peau contre peau. Mon compagnon me nourrissait (beaucoup!) et je nourrissais notre fille, très souvent, très longtemps. Pour éviter les douleurs, j’avais eu la bonne idée d’utiliser des bouts de seins et je n’ai pas fait tout de suite le rapprochement avec la durée interminable des tétées (quelle différence quand j’ai cessé de les utiliser !).

Mon compagnon, lui, était déstabilisé par le fait de ne pouvoir contrôler ce que notre fille buvait, et avait très peur qu’elle ne prenne pas assez de poids, mais il m’a toujours soutenue. Bref, des moments forts en émotion ! Nous avons reçu beaucoup de conseils et d’avertissements, la plupart du temps de femmes qui n’avaient pas ou quasiment pas allaité, voire qui n’avaient pas d’enfant.

Quand j’ai repris le travail, en janvier 2017, on m’a attribuée une chambre avec salle de bain pour tirer mon lait (quelle chance!) et j’ai continué à fournir mon lait à notre fille. Seule la nourrice avait le privilège de pouvoir lui donner un biberon, car à la maison c’était hors de question !

Les articles des sites de la Leche League et A tire d’ailes, m’ont aidée, soutenue, guidée, ont répondu à mes questions, de même que les consultantes, ainsi que le RENOAL (réseau normand pour l’allaitement), ma sage-femme et les conseillères de Grandir Nature.

Globalement ça s’est bien passé, même si ce n’était pas toujours facile de caser les deux demi-heures nécessaires, que parfois j’avais des baisses de tension, parfois j’oubliais une partie de mon tire-lait ou les pains de glace à la maison… Je boostais ma lactation par période avec de l’homéopathie, des tisanes, des produits à base d’avoine, des gélules de fenouil…

Tous les soirs mon compagnon lavait le tire-lait et le stérilisait une fois par semaine. Une fois j’ai oublié le kit à bouillir sur le feu pendant très longtemps… au point qu’il avait un peu fondu, alors j’ai acheté un stérilisateur électrique. J’ai changé trois fois de tire-lait.

A la fin mes seins avaient tellement réduit que les téterelles les plus petites ne convenaient plus tout à fait. J’ai arrêté de tirer mon lait en mai 2018. Ma fille n’a jamais voulu boire de lait en poudre, ni de lait de croissance chez sa nourrice, alors tant pis elle a eu des yaourts et du fromage ! A la maison, c’était encore tétée à volonté et à la demande, nuit et jour.

En septembre 2018, je suis tombée enceinte et alors mes seins sont devenus hyper douloureux. C’était pire qu’à la maternité, pire que pendant les poussées dentaires quand la salive acide irrite les mamelons, et le pire du pire, c’est que ma fille s’acharnait alors que je n’avais quasiment plus de lait. J’ai essayé de protéger et faire cicatriser mes bouts de sein avec du miel, de la lanoline, du papier film.

Ma fille faisait la grimace face à mes bobos et au goût étrange de mes mamelons et m’envoyait me laver (lol !). J’ai fini par me rendre à l’évidence : il fallait arrêter de s’acharner car les tétées devenaient une corvée. J’ai donné ma dernière tétée le 21 novembre 2018. Ma fille me réclame toujours, elle m’en veut, elle pleure, tire sur mes vêtements et parfois me tape, mais elle finit par se consoler et écouter mes explications. Sa frustration est difficile à vivre pour moi, car j’aurais préféré un sevrage naturel, à un moment choisi par elle. J’en pleurerais avec elle.

C’était une belle aventure, qui a commencé dans les larmes d’émotion, parfois de fatigue et de frustration (on ne peut pas se faire remplacer pour la tétée, même quand on n’en peut plus) et qui se termine dans des larmes de regret et de frustration. Malgré tout je suis fière de moi, mon compagnon l’est aussi, et je crois que j’ai donné quelque chose d’important à ma fille pendant ces 25 mois et 19 jours qu’ont duré l’allaitement. Notre relation est très fusionnelle.

Pendant les tétées nous avons vécu beaucoup de tendresse, et même des fous rires. La tétée a endormi, consolé, rassuré, réchauffé, réconforté. Mes seins ont eu droit à toutes les attentions : caresses, « bisous-prout » pour rigoler, « bisous-magiques » pour guérir les bobos de maman… C’était, comme je l’ai lu dans un article « le rôle de leur vie ».

A part quelques détails, je ne changerais rien. J’envisage même de retenter l’aventure avec le prochain bébé, forte de l’expérience accumulée. Si j’avais des conseils à donner, ce serait de n’écouter que soi, son instinct « animal » de jeune mère, de faire confiance à son enfant (les bébés savent d’instinct ce qu’il faut faire et à quel rythme), et de dire dès le départ à un entourage trop négatif que l’allaitement ne les concerne pas (c’est un peu violent, mais efficace) et surtout de s’entourer (même par courriel ou téléphone) de bonnes conseillères ou consultantes.

Concernant le sevrage : si vous ne trouvez pas de bonne raison pour ne pas continuer, continuez, d’autant plus qu’après six mois, l’allaitement devient beaucoup moins contraignant et plus agréable. Enfin, ne cherchez pas « la bonne recette », je crois qu’il y a autant de façons d’allaiter et de sevrer que de couples mère-enfant…

 

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